dimanche 5 janvier 2014

Quelques impressions sur les sites "The History Channel" et "Do History"

Dans le cadre des critiques formulées tout au long des lectures de cette séance, le site History.com mis en place par un groupe de chaînes de télévision semble cristalliser à lui seul le risque d'une forme d' "histoire commerciale" dont le contenu non sourcé se trouve noyé dans une page saturée par les bandeaux publicitaires et les liens vers d'autres émissions ou d'autres sites. L'ambition n'est certes pas de présenter une "histoire académique" mais plutôt de montrer une histoire populaire avec des rubriques extrêmement variées et des thématiques assez générales visant à attirer un "grand public" avec des questions du type "que s'est-il passé tel jour", "que s'est-il passé le jour de votre anniversaire", "qui a fait quoi", "pourquoi tel événement". Les articles sont toujours très courts et ne font que répondre à une question précise, sans référence et sans approfondissement particulier. Impossible de savoir le nom des auteurs. Un encadré informe simplement le lecteur que les faits évoqués sont censés être fiables mais si celui-ci constate des erreurs, il a la possibilité de contacter le site pour proposer ses propres corrections. Il s'agit donc d'une  écriture de l'histoire collaborative un peu à la manière de Wikipédia mais avec encore moins de rigueur puisqu'on n'exige pas de sources ni de références bibliographiques. Ce site laisse donc le sentiment de naviguer dans une histoire assez commerciale voire "racoleuse" qui peut être distrayante ou divertissante mais pas forcément fiable du fait de son absence totale de rigueur méthodologique.

A l'opposé, le site Do History semble répondre en quelques sortes aux aspirations exprimées par certains chercheurs dans les lectures de la séance, en particulier l'idée d'une formation concrète aux pratiques et aux méthodes de l'historien. Ici, on fournit aux lecteurs un certain nombre de sources primaires à partir desquelles il doit élaborer ses propres hypothèses à travers un cas d'étude précis. Le cheminement est bâti autour d'un parcours didactique où le lecteur n'est pas totalement libre mais est guidé au fur et à mesure des étapes d'analyse et de réflexion. On a l'impression de suivre une véritable initiation au métier d'historien de manière ludique et interactive. 

Le point que j'ai particulièrement apprécié se trouve dans la rubrique "On your own", "History toolkit" où des conseils précis sont donnés sur la manière de mener un travail de recherche, d'exploiter et de lire des sources primaires. Cet aspect m'a paru faire écho à la très juste réflexion formulée par Claire Lemercier : "Pour moi, le véritable intérêt des outils informatiques, c’est finalement qu’ils nous amènent à parler des méthodes, des pratiques propres à notre métier, comme la lecture et la prise de note sur une source, dont il était trop souvent admis, lorsque j’ai débuté, qu’on ne pouvait l’apprendre que sur le tas, en faisant mais sans jamais en discuter collectivement." (“Ce que le numérique fait à l’historien”. Entretien avec Claire Lemercier, par Elisa Grandi et Émilien Ruiz, Diacronie. Studie di storia contemporanea, 10, 2, 2012.). Il s'agit pour moi d'une véritable lacune dans l'enseignement de l'histoire. Les fondements de notre travail, c'est-à-dire le dépouillement, la lecture et l'analyse de nos sources restent malheureusement trop souvent considérés comme allant de soi et ne nécessitant pas un apprentissage à part entière. Or, lorsque l'on travaille avec certaines sources, par exemple des écrits du XVIIIe siècle comme sur le site ou des archives étrangères comme pour mes propres recherches, on aurait bien besoin d'être initié aux codes et aux pratiques d'écriture de l'époque et du contexte étudiés pour pouvoir bénéficier de l'expérience des chercheurs qui se sont déjà penchés sur des matériaux similaires.

L'initiative du site en ce sens apparaît donc tout à fait pertinente et on aimerait que d'autres démarches du même type puissent être entreprises et élargies à l'exploitation d'autres cas d'étude et sources primaires.

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